Intégration pédagogique de certains outils du web social

Les enseignants qui choisissent d’intégrer pédagogiquement les technologies à leur pratique peuvent le faire à différents niveaux (la gestion de l’enseignement, l’enseignement, l’apprentissage et le développement des compétences), ce que présente la figure 1, extraite de Parent (2011).

Figure 1 : Niveaux d'intégration pédagogique des technologies

Au collégial, la plupart des enseignants utilisent les technologies pour organiser et préparer des activités d’enseignement et pour communiquer avec les étudiants. Plusieurs institutions se sont dotées de portails qui permettent aux enseignants de réaliser ces tâches et de faire un suivi administratif, notamment en diffusant les résultats aux étudiants. Certains enseignants utilisent les TIC dans les activités d’enseignement, que ce soit pour trouver le contenu ou pour le présenter à l’aide d’outils technologiques.

Dans une proportion moins grande, on trouve des enseignants qui mettent en place des activités d’apprentissage durant lesquelles les étudiants ont à réaliser des productions en utilisant les TIC (travaux d’équipe dont les échanges concernant le produit à remettre sont réalisés partiellement ou en totalité en ligne, par exemple).

Enfin, certains enseignants, moins nombreux, mettent les TIC à la disposition des étudiants afin qu’ils puissent les utiliser pour supporter le développement de compétences disciplinaires. Des outils peuvent supporter une démarche visant à résoudre des problèmes complexes liés au domaine d’étude. La plupart des outils permettent de conserver des traces du cheminement réalisé par les étudiants et, ainsi, d’observer la mobilisation de leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être. Pour les enseignants, il s’agit aussi souvent d’outils qui permettent de suivre leurs étudiants et d’évaluer, de façon formative, le processus et le résultat d’une production en cours de session.

Dans le cadre de cette recherche, ce qui nous intéresse est le développement de compétences par la réalisation de productions issues des outils du web social. Le web social a un fort potentiel en éducation puisqu’il propose un support aux échanges et potentiellement aux confrontations.

Les confrontations entre les individus sont source de développement. Le savoir nait de l’échange et est partagé. La participation est centrale car l’individu est alors vu comme un acteur en quête d’adaptation à une culture (TACT, 1998).

Il ne s’agit donc pas d’utiliser un outil technologique simplement parce que cela correspond à une tendance ou pour proposer des activités pédagogiques et d’évaluation alternatives. Il s’agit plutôt de partir de la compétence à développer dans le cadre d’un cours, d’un de ses éléments ou encore d’une compétence ou habileté à développer dans une approche programme. Ensuite, seulement, il sera pertinent d’explorer les affordances que proposent les outils disponibles.

Dans tous les cas, l'intention pédagogique doit primer sur la technologie (REFAD, 2011). Mark Prensky soulignait, lors d’une conférence donnée dans le cadre d’un évènement regroupant des enseignants de l’Est du Canada en 2010,  qu’il ne fallait pas surinvestir dans un outil puisque les technologies évoluent trop rapidement1.

Comme il a été mentionné plus tôt, l’intégration pédagogique de certains outils du web social est relativement bien documentée, notamment par Profweb. Ce site est une initiative du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), en collaboration avec les partenaires du réseau d'enseignement collégial. Il met à la disposition du personnel enseignant des récits, dossiers, scénarios, ressources, produits et services pour les soutenir dans l’intégration pédagogique des technologies (Profweb, 2010).

Certaines des informations présentées dans les pages suivantes au sujet de l’intégration pédagogique des blogues, des microblogues et des wikis sont tirées de dossiers et de récits se trouvant sur Profweb.

Blogues

Les blogues sont des sites web qui permettent de publier facilement des articles contenant du texte, des hyperliens, des images, des sons et des vidéos. Les articles peuvent être classés selon des catégories et identifiés par des mots-clés, ce qui simplifie les recherches et l’archivage du contenu. Une fonctionnalité permettant de laisser des commentaires à la suite d’un article est généralement disponible, ce qui permet l’interaction entre l’auteur et les lecteurs. Enfin, la plupart applications web permettant de créer des blogues offrent la possibilité de suivre les nouvelles publications à l’aide des flux RSS qui s’intègrent à des agrégateurs.

Plusieurs enseignants utilisent des blogues pour publier des informations à l’intention des étudiants. Ils peuvent, par exemple, publier des réflexions, des liens, des textes ou des travaux d’étudiants. Ils partagent ainsi la veille2 qu’ils font dans leur domaine d’enseignement et s’assurent d’offrir des informations d’actualité. Cela implique qu’ils doivent se donner une ligne éditoriale et la respecter, et adopter le réflexe de publier fréquemment des articles. Il pourrait s’agir de réponses à des questions posées en classe afin d’en faire profiter l’ensemble du groupe. Enfin, les enseignants peuvent demander à leurs étudiants de commenter les différentes publications. Cela implique évidemment qu’ils doivent assurer un suivi régulier des commentaires diffusés.

Cette pratique consistant à tenir un blogue d’enseignant, bien que particulièrement intéressante parce qu’elle permet aux enseignants d’enrichir leurs cours, ne fait pas l’objet de la présente recherche puisque les étudiants n’ont pas à réaliser des productions via cet outil. Des enseignants désirant rendre formelle l’utilisation de commentaires par les étudiants pourront toutefois s’intéresser aux propositions d’évaluation présentées plus loin dans ce rapport.

La facilité de publication et l’accès à des artéfacts grâce au système d’archives figurent parmi les avantages des blogues comme outil pédagogique. L’intérêt augmente lorsque l’étudiant est appelé à produire lui-même des articles, que ce soit dans le cadre d’un blogue de classe ou d’un blogue d’étudiant.

Blogues d’étudiant

Le choix d’utiliser des blogues d’étudiants permet à chacun d’eux d’être l’unique rédacteur des billets diffusés et de décider de l’apparence visuelle de son espace. Les utilisations les plus fréquentes de ce type de blogue sont le portfolio et le journal d’apprentissage ou journal de bord.

Portfolio numérique

Les blogues d’étudiants sont souvent utilisés comme portfolio. Dans un dossier sur le portfolio électronique, Ginette Bousquet (2006) les regroupe en trois catégories :

  • Le portfolio d’apprentissage appelé aussi portfolio de progression a pour but de déposer régulièrement les différentes réalisations qui sont signifiantes pour l’étudiant. Il permet de suivre le cheminement de l’étudiant, d’aider l’étudiant à prendre conscience de ses apprentissages, d’apprendre à s’auto-évaluer. L’élève doit commenter les moyens mis en œuvre pour réaliser ses travaux.
  • Le portfolio de présentation demande à l’étudiant de sélectionner les meilleures réalisations et de justifier ses choix. L’étudiant apprend à porter un regard critique sur son travail. Il s’inscrit dans une démarche de connaissance de soi. Il identifie ses forces et ses faiblesses, ses motivations ainsi que ses centres d’intérêt au regard de ses objectifs d’apprentissages liés aux compétences à développer.
  • Le portfolio d’évaluation sert à démontrer la ou les compétences atteintes dans un programme ou exigées à l’entrée d’un programme. L’apprenant sait dès le départ qui évalue ses documents et sur quoi il est évalué (MEQ, 2002).

De son côté, Robert Bibeau (2007) ajoute un quatrième type de portfolios en éducation dans un dossier de la Vitrine Technologie-Éducation :

  • Le portfolio de développement professionnel est une collection de travaux qui permet de documenter, pendant une certaine période, le cheminement de l’apprenant dans l’acquisition de certaines compétences professionnelles. Il l’aide tout au long de sa vie dans la validation de ses acquis, la reconnaissance de ses compétences, la planification de sa formation et la gestion de son cheminement de carrière.

Enfin, Lucie Audet (2011, p. 38) définit les types de portfolio en fonction de cinq critères, ce que présente le Tableau 1 :

Type Contenu Public Évaluation Échéancier Étapes
Dossier de présentation académique Meilleurs travaux Établissement Aucun ou de type certificatif Unique, généralement en fin de programme Collection, sélection, présentation
Dossier de présentation professionnel Meilleurs travaux Employeur Aucune Unique, généralement en fin de programme Collection, sélection, présentation
Soutien à l’apprentissage Travaux divers, réflexion sur l’apprentissage Enseignant Généralement formative Début et fin ou en continu Collection, sélection, réflexion
Bilan de l’apprentissage Tous les travaux
Réflexion sur l’apprentissage
Établissement Sommative, généralement certificative Fin de cours ou programme Collection, réflexion, liens

Tableau 1 : Types de portfolio

Tous ces types de portfolios pourraient très bien être supportés par un blogue d’étudiant dans le cadre d’un cours ou, si cela est pertinent, tout au long du parcours collégial d’un étudiant. Les différents types de contenus qui peuvent être intégrés relativement facilement dans un blogue permettent aux étudiants de documenter leurs réflexions, leur démarche ainsi que leurs réalisations. Les commentaires laissés par les lecteurs (autres étudiants, enseignants, familles, amis, etc.) peuvent provoquer des occasions de confrontation à la critique – négative ou positive – et ainsi déclencher des situations d’apprentissage. Les étudiants peuvent utiliser ces commentaires afin d’aiguiller une nouvelle itération dans leur processus de production.

À l’intérieur de leur propre espace, les étudiants peuvent documenter le résultat de leurs recherches, classer leurs billets à l’aide de mots-clés en fonction de thématiques prédéfinies, faire des liens vers les sites d’intérêt qui les inspirent et surtout, faire une synthèse de leurs découvertes à différents moments.

Journal d’apprentissage ou journal de bord

Les blogues d’étudiants peuvent également servir de journal d’apprentissage ou même de journal de bord en stage. Le système d’archivage assure la production d’artéfacts témoignant du cheminement réalisé par l’auteur et pouvant être réutilisés dans une démarche ultérieure (dans le cadre d’une recherche de stage ou d’emploi, par exemple).

La dimension sociale de cet environnement permet de prolonger des réflexions qui peuvent être écrites dans un journal de bord remis uniquement à son enseignant responsable. L’étudiant peut intégrer les commentaires laissés par les lecteurs dans ses publications suivantes.

Dans un récit qu’ils ont publié sur Profweb au sujet de l’utilisation du journal de bord, Nadine Coulombe et Jérémie Pouliot (2009), tous deux enseignants en sciences de la nature au cégep de Rivière-du-Loup, rappellent que « l’approche par compétences, au collégial, demande que l’on atteste individuellement la maitrise d’une compétence lors d’un travail d’équipe ». Pour eux :

Une partie de la solution se trouve dans l’utilisation d’un journal de bord : chaque étudiante ou étudiant doit rendre compte de son cheminement, de son implication dans l’équipe, du travail qu’il effectue de semaine en semaine.

 

Blogues de classe

Dans un blogue de classe, chaque étudiant de la classe est un auteur et contribue au blogue en y publiant des articles. Par exemple, un enseignant pourrait mettre en place un blogue de classe afin de permettre aux étudiants de se familiariser avec l’écriture et la lecture d’une autre langue en publiant des articles et en commentant les articles des autres. Un blogue de classe peut aussi être utilisé comme journal de bord collectif lorsque les intentions sont différentes de celles associées à l’utilisation d’un blogue individuel. C’est notamment le choix qu’a fait une enseignante en soins infirmiers qui accompagnait un groupe d’étudiants en stage en région éloignée. En plus d’utiliser le blogue de classe pour documenter les expériences individuelles, les étudiants ont pu décrire leurs expériences collectives et rester en contact avec les autres étudiants de leur cohorte, avec les autres enseignants et avec leur famille.

Toutefois, il faut être conscient que les blogues de classe permettent de publier plusieurs contributions individuelles, pas nécessairement un produit collectif issu d’une démarche de collaboration. Dans le cas d’un processus et d’un produit devant être le fruit d’une interaction et d’une réelle coconstruction de connaissances, il serait plus pertinent d’utiliser d’autres outils. Il pourrait être pertinent d’utiliser un wiki ou le Knowledge Forum, une plateforme qui possède une structure neuronale et qui propose des échafaudages ainsi qu’un outil métacognitif pouvant guider les apprenants à travers une démarche de coélaboration des connaissances.

Rédaction d’articles en lien avec le domaine

Un autre exemple d’activité pédagogique soutenue par un blogue de classe est celui dans lequel les étudiants sont appelés à publier une création (un texte, un dessin, une photographie, une animation, etc.) en lien avec le cours et à commenter les créations de leurs collègues. Les buts visés par ce genre d’activité peuvent être en lien avec la communication (partage de connaissances sur un sujet, rédaction dans un style ou une langue en particulier) ou en lien avec la démarche, qu’elle soit artistique, journalistique, technique, etc. Plusieurs exemples d’activités de rédaction en lien avec le domaine se trouvent dans les annexes A et B.

Échanges avec l’industrie

Pour les étudiants, participer à un blogue permet d’échanger avec des partenaires de l’industrie dans laquelle ils seront appelés à travailler au terme de leurs études. Le fait de s’exposer sur le web amène une visibilité auprès des employeurs et permet les interventions d’experts en plus d’encourager les interactions entre les étudiants. Chaque étudiant a donc la responsabilité d’exposer ce qu’il souhaite faire valoir aux yeux de potentiels employeurs. Les acteurs de l’industrie peuvent ainsi intervenir en commentant les productions des étudiants. Dans certains cas, il peut même y avoir un jumelage dans lequel chaque étudiant est mis en relation avec un employeur qui s’engage à apporter des rétroactions.

Microblogues

Le concept de microblogue est apparu en 2007 au moment du lancement de Twitter. Il existe aujourd’hui d’autres outils comme EnDirect ou des outils construits sur mesure pour répondre aux besoins d’une communauté en particulier. La principale caractéristique des plateforme de microblogue est que les publications doivent être écrites dans un nombre de caractères très restreint : sur Twitter, les gazouillis3 doivent être synthétisés et rédigés dans un maximum de 140 caractères, incluant la ponctuation et les liens qu’on peut y ajouter.

Il sera plus particulièrement question de Twitter comme plateforme de microblogue puisqu’il s’agit de l’outil le plus utilisé à l’heure actuelle.

L’utilisation des microblogues en éducation est relativement récente, particulièrement la pratique consistant à faire publier les étudiants. Plusieurs enseignants se trouvent sur Twitter afin d’y réaliser une veille dans leur domaine et pour avoir accès à une communauté de professionnels de la pédagogie. De plus, certains encouragent leurs étudiants à utiliser ce site de réseautage afin de s’y créer un réseau dans le domaine où ils étudient et, éventuellement, de s’y exposer auprès d’employeurs potentiels. Twitter est un outil de veille informationnelle qui permet aussi à des étudiants de différents domaines d’accéder à des sources d’informations diversifiées en complément aux sources traditionnelles.

Lorsqu’il est question de faire publier des gazouillis à des étudiants, les exemples d’utilisations sont moins nombreux. Pourtant, comme le mentionne Pickwordth (2010), le fait de publier sur le web augmenterait la motivation des étudiants : il n’est plus question de remettre un travail uniquement à son enseignant, il faut se commettre devant une communauté de lecteurs. Évidemment, le fait de diffuser publiquement amène la question de l’identité numérique dont il sera question le prochain chapitre.

Rédaction coopérative

L’aspect social d’un outil de microblogue a donné lieu à différentes initiatives d’écriture coopérative. Dans ce type d’activité, les gazouilleurs ont à diffuser de courtes publications identifiées avec le même mot-clic en tenant compte des publications antérieures.

Un exemple de ce genre d’activité est la rédaction coopérative d’un roman qui ne contient pas la lettre e. Identifiées par le mot-clic #romanSansE, les publications ont été  assemblées en 6 chapitres, agrémentées d’illustrations puis diffusées sur le blogue de l’instigatrice4. Dans ce cas, les participants n’étaient pas des étudiants, mais on peut facilement imaginer une extension en éducation.

Débat et argumentation

Le concept de backchanneling réfère à l’action de diffuser de l’information sur Twitter ou un autre site de microblogage en utilisant un mot-clic et à afficher publiquement les gazouillis portant ce mot-clic. C’est une pratique initialement proposée lors d’évènements ou de conférences afin de permettre aux organisateurs ou conférenciers de prendre le pouls rapidement, aux participants de partager leurs réflexions et réactions et, enfin, à ceux qui ne peuvent pas y participer de connaitre la nature des activités qui s’y déroulent ou le contenu des conférences.

En éducation, cette pratique peut être appliquée à une participation active durant une pièce de théâtre ou un film. Les participants ont à se prononcer, à des moments prévus ou non, sur certains éléments de ce qu’ils regardent au même moment. Un enseignant de français en 5e secondaire, Jean Doré, a expérimenté cette pratique pour argumenter pendant et après le visionnement du film Douze hommes en colère (Doré, 2011). Dans un premier temps, le film était arrêté à tous les moments où le jury avait à voter. Les élèves devaient à chaque fois répondre à la question « coupable ou non coupable? » et « pourquoi? » sur une feuille. Dix minutes avant la fin du film, les élèves devaient diffuser sur Twitter leurs arguments en utilisant le mot-clic prévu à cet effet (#12hommes), ce qui permettait de répertorier tous les arguments et contrarguments en effectuant une recherche sur l’outil. La fin du visionnement du film et le retour sur les opinions publiées ont permis d’aborder la question de la peine de mort, d’orienter les recherches et, enfin, de rédiger un texte argumentatif sur la peine de mort.

D’autres activités de rédaction pourraient être utilisées dans certains domaines. Par exemple, en histoire, les étudiants pourraient avoir à créer et à animer le compte fictif d’un personnage historique en tenant compte d’aspects historiques et du contexte socioéconomique.

Il existe deux principales limites reliées à l’utilisation pédagogique d’un outil de microblogage. La première est qu’il est d’abord conçu pour la diffusion de texte uniquement. Il est possible de joindre des photos et des vidéos sous forme de lien, mais ils n’apparaissent pas directement à l’intérieur du gazouillis. La deuxième limite est que l’outil de recherche qui permet de colliger les publications accède aux gazouillis dans un délai limité. Il est impossible de rechercher tous les gazouillis contenant un mot-clic donné et ayant été publiés il y a plus de deux semaines. Ils demeurent disponibles dans le profil des auteurs, mais l’accès à chacun des gazouillis est complexifié.

Wiki

Un wiki est un site dont le contenu est modifiable plutôt facilement. En principe, tous les utilisateurs (ou seulement ceux qui y sont autorisés) peuvent modifier le contenu, que ce soit en ajoutant des informations à un article existant ou en créant et en reliant entre eux de nouveaux articles, ce qui favorise la coélaboration de contenu. Ces informations peuvent être de plusieurs natures : du texte, des hyperliens, des images, des vidéos, des sons, des données présentées sous forme de tableau, etc. Dans la plupart des cas, elles peuvent être intégrées rapidement sans connaissances techniques particulières. Il faut toutefois prévoir une formation de base pour l’enseignant et les étudiants puisque les interfaces proposées ne sont pas toujours très intuitives.

Les wikis proposent généralement des espaces de discussions pour chacun des articles publiés. Ces espaces peuvent être utilisés par les étudiants pour échanger et argumenter sur le contenu publié.

Construction collective de connaissances en lien avec un thème

À partir d’un sujet, les étudiants peuvent être chargés de chercher et de documenter différents aspects dont il faut traiter pour couvrir l’ensemble du thème choisi. Comme ces aspects sont liés, les étudiants ont à rédiger les articles du wiki en prenant  en considération les articles que les autres étudiants ont publiés.

C’est dans cette optique que Pierre Ross (2011), un enseignant en histoire, a utilisé un wiki dans le cadre du projet Tricoter l’histoire. La compétence reliée au cours est « Reconnaitre, dans une perspective historique, les caractéristiques essentielles de la civilisation occidentale ». Tel qu’il le mentionne dans un récit Profweb, l’enseignant a proposé un tableau présentant diverses périodes de l’histoire allant de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale ainsi que divers thèmes à couvrir dans le cadre du travail (les classes sociales, les systèmes politiques, le commerce, les croyances et religions, les arts visuels). Chaque étudiant choisissait une période et un thème afin de rédiger un article sur le wiki. Pour ce faire, il devait collaborer avec ceux qui rédigeaient des articles sur la même période, mais avec des thèmes différents, ainsi qu’avec ceux qui abordaient le même thème pour les périodes juste avant et juste après celle qu’il commentait. Cette démarche visait à assurer un fil conducteur entre les périodes et à assurer une cohérence entre les thèmes en évitant la redondance et en ajoutant les liens nécessaires entre les articles.

Éventuellement, les connaissances collectivement construites par un groupe d’étudiants durant une session peuvent servir d’artéfacts aux mêmes étudiants ou à d’autres étudiants au cours d’une session ultérieure.

Création d’un glossaire

Dans plusieurs programmes, un certain nombre de termes font partie du vocabulaire en lien avec le domaine d’études. C’est notamment le cas en soins infirmiers où une enseignante du collège de Maisonneuve, Lyne Maillet, a choisi le wiki pour constituer un dictionnaire terminologique (Maillet, 2011). Le travail des étudiants est donc mis à profit, d’abord lorsqu’ils identifient les mots à définir, puis lorsqu’ils rédigent les définitions qui leur sont associées. L’apprentissage de près de 500 mots dont ils auront besoin dans l’exercice de leur future profession est ainsi facilité.

Rédaction itérative

L’utilisation d’un wiki permet un travail collaboratif, mais les fonctionnalités disponibles permettent aussi de rédiger un article de façon individuelle et itérative en conservant un historique des versions publiées. Dans le cadre d’un cours de philosophie où les étudiants devaient rédiger une dissertation sommative au terme de la session, Paul Turcotte, enseignant au cégep du Vieux-Montréal, a d’abord proposé une activité formative en ayant recours au wiki (Turcotte, 2009). Pendant plusieurs semaines, il a abordé en classe une question philosophique en ajoutant, à chaque cours, des aspects qui permettaient de construire une réflexion en profondeur. Entre chaque séance, les étudiants devaient rédiger un paragraphe traitant de l’aspect abordé au cours précédent. L’enseignant, après la lecture du nouveau contenu, ajoutait un commentaire formatif dont l’étudiant devait tenir compte la semaine suivante. Ainsi, au terme du projet, les étudiants avaient réalisé individuellement une dissertation complète en intégrant les commentaires de l’enseignant, ce qui les préparait pour la dissertation évaluée de façon sommative.

L’espace de discussion associé à chaque article permet aussi la rédaction évolutive en collaboration, comme le propose le cours Les TIC et l'apprentissage en milieu de travail à la TÉLUQ. En équipes de deux à quatre, les étudiants devaient construire un texte en utilisant l’espace de discussion, d’abord pour la rédaction du plan (proposition de références, argumentation, structure du texte), puis pour réguler la construction du texte final. La fonctionnalité qui présente l’historique des modifications de la page a facilité le suivi de l’implication de chaque membre de l’équipe.

Portfolio numérique

La création d’un portfolio numérique, abordée plus tôt dans le cadre des exemples d’intégration pédagogique du blogue, peut également se faire avec l’utilisation d’un wiki. C’est le choix qu’a fait Errol Poiré, du cégep de Thetford, lorsqu’il a voulu donner à ses étudiants l’occasion de gérer eux-mêmes leurs apprentissages (Poiré, 2009). Le wiki était divisé en trois sections pour chacun des cours : le carnet de bord, les travaux de l’étudiant et une section dans laquelle il consignait ses acquis.

Au collégial

En 2007, le réseau des répondantes et répondants TIC a élaboré le Profil de sortie TIC et informationnel pour l'ensemble des élèves du collégial (Équipe de travail Profil TIC du réseau REPTIC, 2007). Il s’agit d’un document répertoriant les habiletés que devraient maitriser les étudiants au terme de leur formation. L’appropriation des institutions d’enseignements, des comités de programme et des enseignants est variable : des institutions ne l’utilisent pas du tout alors que d’autres offrent une certification qui s’ajoute au programme d’études5. Dans d’autres cas, c’est dans une approche programme que les enseignants s’assurent de couvrir l’ensemble ou une sélection des habiletés TIC et informationnelles qu’ils jugent utiles sur le marché du travail.

Le profil TIC a évolué avec les années et est désormais composé de ces cinq étapes6 :

  1. rechercher de l’information
  2. traiter l'information
  3. présenter l’information
  4. communiquer et collaborer sur internet
  5. évaluer le projet

Les habiletés qui sont décrites dans le profil TIC incluent des habiletés qu’il est possible de développer en intégrant des activités d’apprentissage dans lesquelles les étudiants doivent réaliser des productions à l’aide des outils du web social. Les opérations à réaliser afin de maitriser les habiletés qui sont le plus en lien avec la diffusion sur un blogue, sur un microblogue ou sur un wiki sont présentées dans le tableau ci-dessous. Les enseignants pourraient s’inspirer des opérations et contenus d’apprentissage décrits dans ce tableau pour construire une liste de vérification (surtout pour les éléments factuels et l’intégration de liens dans un article de blogue) ou une grille d’apprentissage (surtout pour les éléments pour lesquels on souhaite évaluer un critère et le noter en fonction d’une échelle qui décrit le niveau d’acquisition de l’étudiant). 

Cette version du Profil TIC n'est pas la version originale élaborée par l'équipe de travail du réseau REPTIC. Les éléments présentés ici sont ceux directement en lien avec le contenu de ce rapport.

Opérations Objectifs d’apprentissage Contenus d’apprentissage
Rechercher l’information
Utiliser et diffuser l’information de façon éthique et légale Avoir recours à la loi sur les droits d’auteurs selon les besoins identifiés Obtenir les permissions pour utiliser des documents protégés par le droit d'auteur
Reconnaitre les différents types de licences existantes
Citer les sources correctement Mettre en évidence, dans le travail, les passages repris textuellement d'un document
Mentionner, dans le travail, tous les auteurs dont on a retenu les idées, même si celles-ci sont exprimées de façon différente
Présenter l’information
Publier sur le web Rédiger pour le web Rédiger un texte qui sera facile et agréable à lire sur le web
Intégrer des éléments dans une publication web Intégrer une image
Intégrer de l'audio
Intégrer de la vidéo
Intégrer et associer des tableaux, du texte, des illustrations, des feuilles de style, dans les pages web
Insérer dans une page web des liens vers différents types de cibles
Mettre en ligne une publication Web Vérifier l'accès au site et la validité des liens hypertextes
Communiquer et collaborer sur Internet
Utiliser des outils de base de communication et de télécollaboration Consulter et participer à un forum7 Participer à une discussion (Écrire un message précis, poli et invitant, Ouvrir une nouvelle discussion et la conclure, Lors d'une intervention, insérer un document, une image ou un hyperlien)
Communiquer de manière éthique Communiquer en tenant compte du caractère public ou privé des échanges
Communiquer en utilisant la nétiquette
Collaborer à des tâches par des échanges qui ne sont pas immédiats, donc en mode asynchrone Utiliser des applications en ligne
Utiliser un wiki
Évaluer le projet
Constituer un dossier d'apprentissage sur un support électronique Constituer un dossier d'apprentissage Utiliser des grilles de questionnement métacognitives (incluant Réfléchir sur la manière dont il travaille, identifier ses forces, ses faiblesses et ses progrès dans une perspective de formation continue, faire des choix, identifier ses priorités)
Respecter des périodes d'intervention tout au long du processus (incluant Conserver des traces du cheminement afin de s'assurer que les apprentissages ne soient pas faits à la dernière minute)
Identifier le matériel à déposer dans le dossier (incluant Bien classer les preuves de son cheminement)
Considérer l'interrelation entre le processus et le produit
Laisser la place aux interventions du personnel enseignant

Tableau 2 : Extraits du profil TIC qui sont en lien avec la diffusion sur le web social

1 Propos tenus pendant l’événement « Clair 2011, pour voir l’éducation autrement ». Il s’agit d’une « non-conférence » (barcamp) regroupant des intervenants du milieu de l'éducation du Québec et du Nouveau-Brunswick qui désirent échanger et réfléchir sur les transformations en éducation, en particulier avec les outils du web 2.0, et sur le renouvellement des pratiques pédagogiques qui y sont liées.

2 Le concept de veille a d’abord référé au processus visant à repérer, collecter, traiter et stocker des informations et des signaux pertinents permettant d’orienter le futur d‘une entreprise, tel que le définit Rouach (1996, p. 5). Le terme est toutefois de plus en plus utilisé pour désigner l’action de suivre l’actualité dans un domaine, de surveiller les nouveautés et les innovations en lien avec ce domaine.

3 Ce terme est utilisé par les utilisateurs de Twitter comme équivalent français de tweet.

4 D’autres thématiques pouvant être exploitées sont listées sur le blogue de Monique Le Pailleur

5 C’est le cas notamment du collège Gérald-Godin (à ce propos, voir Lacroix, 2010).

6 Pour l’ensemble du profil TIC, voir le document préparé par l’équipe de travail Profil TIC du réseau REPTIC (2009) ainsi que le tableau synthèse présenté par le Réseau des répondantes et répondants TIC (2010).

7 Bien qu’il soit précisé que c’est pour un forum, il est possible de trouver une extension à ces opérations et contenus d’apprentissage lors d’échanges à la suite de la publication d’un article (section commentaires).